Niveau de formation en Suisse : cartes et inégalités entre villes et campagnes
Des données récentes de l’Office fédéral de la statistique permettent de tracer, à l’échelle des agglomérations et même des parcelles, la répartition du niveau de formation sur le territoire suisse. Elles mesurent ce niveau jusqu’à l’échelle d’un hectare (100 mètres sur 100 mètres).
UN CANTON, DEUX RÉALITÉS
Dans le canton de Neuchâtel, le contraste entre le Haut et le Bas est marqué. Les zones situées au bord du lac et dans le cœur de la ville affichent une part plus élevée de formations supérieures, tandis que La Chaux-de-Fonds et Le Locle semblent davantage tournées vers des formations plus modestes.
Selon l’historien Marc Perrenoud, la configuration économique des villes peut expliquer ces écarts : La Chaux-de-Fonds et Le Locle, reconnues pour leur activité horlogère, contrastent avec Neuchâtel, siège du gouvernement où les profils juridiques et universitaires restent privilégiés. Sur le terrain, Nicolas Babey, professeur à la Haute école de gestion, rappelle que le secteur autour de la gare regroupe notamment une haute école, un conservatoire et l’OFS, générant des emplois nécessitant un haut niveau de formation.
Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds : deux tissus économiques distincts
Ainsi, le canton cherche à atténuer ces disparités par des mesures qui regroupent des services administratifs dans divers endroits et renforcent l’offre des hautes écoles, afin de proposer des formations accessibles dans plusieurs zones du territoire.
Pour Crystel Graf, conseillère d’État, la réduction des écarts passe aussi par le renforcement des formations présentes dans l’ensemble du canton et par une meilleure accessibilité des offres de formation.
LES INÉGALITÉS CARTOGRAPHIÉES
Dans l’agglomération lausannoise, des « frontières » invisibles se dessinent : les habitants qui ont interrompu leur formation après l’école obligatoire se concentrent principalement à Renens, Prilly et dans le nord-ouest du chef-lieu, tandis que l’Est de la ville et le littoral du Léman comptent une majorité de diplômés universitaires.
René Véron, géographe à l’Université de Lausanne, rappelle que le niveau de formation peut influencer les revenus. Selon l’Office fédéral de la statistique, le salaire brut médian est d’environ 5 000 francs pour les professionnels sortis de l’école obligatoire et d’environ 10 000 francs pour les universitaires. Il précise toutefois que ce constat ne justifie pas de stigmatiser ces zones et que disposer d’un niveau de formation inférieur n’implique pas nécessairement une vie moins favorable ni une criminalité plus élevée.
GENÈVE : une répartition plus nuancée
À Genève, le découpage socio-professionnel est moins net que dans d’autres régions. Le centre abrite principalement une population diplômée, tandis que les résidents moins formés se répartissent entre plusieurs communes périphériques, notamment Meyrin, Vernier et Onex. Néanmoins, les différences entre zones urbaines et périphériques restent visibles.
Ce phénomène est souvent attribué au développement historique des villes : Genève a aussi largement développé les logements sociaux. L’enjeu est de maintenir la qualité des services publics pour préserver l’égalité des chances.
VILLES ET CAMPAGNES : une réalité partagée
La question ne se limite pas aux grandes agglomérations. Fribourg et le Valais illustrent ce décalage entre villes et campagnes, où les parcours scolaires courts et l’apprentissage restent plus répandus dans les zones rurales et les petites localités.
Selon René Véron, la demande pour des profils hautement qualifiés est plus forte en ville et les personnes les plus diplômées sont aussi plus mobiles, ce qui les amène moins à revenir dans leur lieu d’origine. Les villages des bords du Léman présentent néanmoins une exception, où des traces historiques subsistent au cœur des communes.
Les régions et villes de Suisse présentent bel et bien un découpage socio-économique du territoire. Le risque réside dans des phénomènes de polarisation et d’exclusion autour des plus aisés ou de certaines minorités ethniques, parfois alimentés par des discours sécuritaires. À ce jour, on observe peu de ségrégation marquée en Suisse.
Rédaction : Tybalt Félix, Julien Chiffelle et Léa Jelmini