Le réarmement du Japon en débat : popularité limitée et enjeux sécuritaires

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Un objectif budgétaire ambitieux et ses implications

Dès sa nomination, Sanae Takaichi, figure fortement conservatrice, a promis une hausse substantielle du budget de la défense japonaise, qui viserait 2 % du PIB dès l’année prochaine, deux années plus tôt que l’objectif formulé par son prédécesseur.

Le renforcement militaire se concentre notamment sur les drones et les missiles à longue portée au sein des Forces d’autodéfense.

Le choix du terme Forces d’autodéfense est une nuance importante dans l’esprit de nombre de Japonais : ces unités ne sont pas appelées armée, rappelle Constance Sereni, historienne spécialisée du Japon contemporain à l’Université de Genève, dans Géopolitis.

Le pacifisme constitutionnel et l’article 9

Historiquement, la population japonaise s’est majoritairement montrée pacifiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le renoncement à la guerre est inscrit dans l’article 9 de la Constitution. Selon Sereni, cet attachement est perçu comme une fierté et non comme une contrainte imposée par les Américains, ce qui explique en partie la faible popularité d’un réarmement.

Héritage d’Abe et perspectives de révision

L’ancien Premier ministre Shinzo Abe, assassiné en 2022, était le mentor de Sanae Takaichi. Comme lui, elle envisage une révision de cet article pacifiste, probablement sous forme d’un élargissement plutôt qu’une transformation complète, estime Sereni, mais l’opération reste particulièrement délicate.

La défense collective et l’aide aux alliés

Takaichi défend l’idée d’une défense collective qui permettrait d’aider les alliés dans le cadre de l’autodéfense. Dans le cadre actuel, l’aide au titre des Américains en cas d’attaque ne serait pas automatiquement autorisée pour le Japon, selon l’analyse citée.

Les États-Unis et le cadre de sécurité bilatéral

Le Japon et les États-Unis restent liés par un traité de défense signé en 1960. Le pays accueille l’un des plus importants déploiements américains à l’étranger, avec environ 60 000 soldats répartis sur plusieurs bases, notamment à Okinawa, à environ 600 kilomètres de Taïwan. Les États-Unis encouragent le renforcement des capacités militaires japonaises. Selon Sereni, les Forces d’autodéfense japonaisesfigurent parmi les dépens les plus élevés au monde et demeurent l’un des principaux clients des États-Unis, ce qui motive, selon elle, la poursuite d’un effort budgétaire conjoint.

Propos recueillis par Laurent Huguenin-Elie; contributions de Mélanie Ohayon et Elsa Anghinolfi.